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A la loupe

A la loupe

Cette exposition de septembre 2019 fut importante pour moi : elle marque un tournant pour plusieurs raisons.

J'ai reçu l'opportunité d'exposer dans 1500 mètres carrés, avec une carte blanche.

J'ai poussé le vice jusqu'à m'occuper moi-même, avec passion, de la communication et de la transmission des enjeux de l'exposition.

J'ai construit une exposition multipliant les médias et le lieu fut le vecteur de plusieurs d'entre-elles.

Son titre, ‘La Poussière des Météores”, je l'ai emprunté à l’album “L’Imprudence” d’Alain Bashung qui évoque avec unepuissante poésie la sensation d’impermanence. En utilisant des médiums de natures différentes,j'ai composé un parcours de relation entre les différentes pièces avec des travaux inédits, récents et pour la plupart réalisés pour le lieu d'exposition.

Quels sont les rapports qu’entretiennent une télévision de surveillance éteinte, un poster annonçant l’exposition au sein de laquelle le spectateur circule déjà, un double auto-portrait de l’artiste en passe-muraille, des collections d’images trouvées détournées avec irrévérence, des peintures murales in-situ et un ensemble de propositions picturales monumentales hétéroclites?

En convoquant une multitude de personnalités publiques, du politicien au philosophe en passant par l’activiste, j'ai proposé une méditation sur une possible valeur de l’existence, une interrogation que je me pose moi-même.

Qu’en est-il de son propre passage sur terre? Que signifie exister dans un monde fluide, global et en transition? Comment l’existence humaine se propage-elle et comment disparaît-elle?

Toute l’exposition est construite sur un système de contradiction et de double sens. Oscillant entre gravité et humour, entre couleur et achromie, entre figuration et abstraction, entre critique et dévotion, le contact des extrêmes répétés et systématiques ouvre le champ de l’interprétation où l’ambiguïté règne.

La poussières des Météores - invitation
La poussières des Météores - invitation

Cette exposition s'est construite de manière atmosphérique : les thèmes,  les oeuvres et la circulation du spectateur s'est précisé au fur et à mesure de sa réalisation. J'ai avançé sans savoir précisement quel sera sa finalité.

La poussières des Météores Lavallée Stephan Balleux FR-2
Impression

Je vais vous présenter chaque oeuvre dans le sens de la lecture de l'exposition.

Par ailleurs, vous pouvez visiter cette exposition de manière virtuelle ci-dessous.

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La Poussière des Météores - 70 x 100cm - Papier Magistra Deluxe Blueback 120gr -  Edition non limitée

Cette édition au statut volontairement ambigu prend la forme d’un poster promotionnel, à la différence près qu’il se situe à l’intérieur de l’exposition, n’assurantaucune promotion vu que vous êtes déja dans le lieu.

Affiche

1 & 2

Autoportrait aux deux yeux droits & Autoportrait de dos avec onze doigts.

2019

Aquarelle sur carton de conservation.

Avec encadrements, 165 x 125 cm chaque figure.

Peints à l’aquarelle sur carton de conservation encadré sous verre, les deux portraits sont cadrés du haut des cuisses aux cheveux, avec un fond vide et blanc en réserve.

Mon intention était de créer une présence en taille réelle, mais la représentation est légèrement plus grande que l’original. Il m’a fallu deux cartons pour y mettre l’essentiel de mon anatomie. Chaque image est divisée en deux formats, l’un cadrant le visage et le cou, l’autre allant des épaules aux cuisses. Cette coupure dans la représentation ajoute une dimension psychologique à l’image, un littéral double portrait (quadruple en fait si on les additionne).

La hauteur de l’accrochage est décidée par le sommet du crâne, qui coïncide avec ma taille réelle. Ils sont disposés sur le même mur, mais sur les versants opposés, comme si la profondeur du personnage appartenait au mur qui soutient les encadrements.

Le traitement pictural est réaliste, avec une touche presqu’impressionniste imposée par le fait que j’ai des taches de rousseur (ce qui n’aide pas à réaliser un rendu néo-classique de mon visage). La position est presque militaire, le torse droit, avec un t-shirt qui me rend athlétique. L’expression est définie par une intention d’absence, le regard n’est pas direct…D’ailleurs, à y regarder de plus près et a contrario du traitement presque photo-réaliste, il y a quelque chose qui cloche dans ce regard…

Ce n’est qu’en se penchant vers le titre de la pièce, “Autoportrait aux deux yeux droits”, que le sens de l’oeuvre est révélé: on s’aperçoit qu’effectivement, l’anatomie des deux yeux est similaire: la caroncule lacrymale est du même côté pour chaque oeil.Le revers du portrait suit la même logique : le portrait se présente avec l’évidence du réalisme mais à y regarder de plus près, la main gauche comporte six doigts.

L’autoportrait est un genre qui pousse à son paroxysmela représentation. Ancêtre du selfie, il se caractérise a contrario par unelongue mise en oeuvre et une attention à la questionde la représentation de soi et celle plus séculaire etsociologique de la position de l’artiste. Dans cette exposition, il prend la place de gardien et de mise en garde : il faudra y regarder de plus près et à deux fois.

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Phantasma

2017

Ecran cathodique Hitachi

43,8cm x 47 cm x 45,5 cm

Il m’arrive de jouer avec ma propre perception : je fixe intensémentpendant une vingtaine de secondes un objet. Très vite, l’objetsemble en mouvement, se brouille à ma vue et m’apparaît comme le reflet de lui-même, un mirage.

Sur un long socle gris anthracite est posé un écran de télévision. La hauteur de l’ensemble est exactement celle de l’autoportrait auquel il tourne le dos.

L’écran de surveillance est éteint.

Le cordon d’alimentation est absent et pourtant l’écran révèle une image.

Un fantôme d’image.

La caméra de surveillance a capturé et envoyé à cet écran pendant des années les images en temps réel de l’entrée d’un lieu. Cette image s’est imprimée sur l’écran cathodique : un des plus longs temps de pose de l’histoire de la photographie.

Phantasma est la transcription du mot grec qui signifie “Fantôme”. Ce mot grec signifie aussi « image, simulacre » (et au départ il signifie « apparence

La poussières des Météores Lavallée Stephan Balleux FR-38
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Cover

2019.

Couverture de peintre, châssis.

Cette oeuvre peut paraître incongrue au regard des oeuvres qui l’entourent, mais comme disait John Goodman dans “the Big Lebowski” : “It really tied the room together”.

Premièrement, sa disposition dans l’espace est mise en relation avec les deux niches du mur qui l’accueillent, ensuite par un jeu d’analogie de la couleur et de la neige que pourrait produire l’écran qui le jouxte.

En cherchant des bâches pour protéger le sol du lieu d’exposition, je me suis arrêté sur ces couvertures qui me semblaient plus écologiques que le plastique des bâches jetables.

La texture de ce tissu est phénoménale: cette dernière est composée de milliers de morceaux de tissus disparates dont l’ensemble ressemble au bruit d’un écran ou à un ciel étoilé.

J’ai aussi été ému en regardant la dénomination de l’objet dans le magasin : “couverture de peintre”. Existerait-il donc des couvertures spécifiques aux gens de ma profession par lesquelles seuls nous les peintres serions protégés?

La poussières des Météores Lavallée Stephan Balleux FR-41

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Figure

2018

Image trouvée

8,7 x 7,3 cm

Cadre 91 x 61 cm

Par un simple acte avec une image trouvée, un basculement à nonante degrés, la perception du sujet de l’image est renversée :d’une image documentaire de vignette de collection d’un château de Belgique et son reflet dans ses douves, nous sommes, à distance respectable, en face d’une figure humaine.

Cette image m’avait d’emblée frappé par sa capacité à non pas évoquer une figure, plutôt à  l’incarner sans aucun doute possible.

C’est la première pièce qui a trouvé sa place dans l’exposition : elle ne peut être vue premièrement que de loin, pour donner à la perception, le temps de s’ajuster au jeu du regard qu’elle impose.

La poussières des Météores Lavallée Stephan Balleux FR-43
La poussières des Météores Lavallée Stephan Balleux FR-44

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Tapetum Lucidum

2019

25 dessins à l’aquarelle sur papier, acier, aimants

76 x 56 cm chacun

“Le tapetum lucidum (locution latine signifiant « tapis luisant »), également appelé en français « tapis clair », est une couche réfléchissante située au fond de l’oeil, et qui peut plus précisément être localisée soit sur la choroïde, immédiatement à l’arrière de la rétine, soit à l’intérieur même de la rétine. (…) Les yeux de nombreux vertébrés possèdent un tapis clair. Il permet d’augmenter, par réflexion, la quantité de lumière captée par la rétine, donc la sensibilité de l’oeil à la lumière. (…) Les humains ne possèdent pas dans leurs yeux de tapetum lucidum et leur vision nocturne est médiocre.” (Wikipedia).

Ces dessins représentent et invoquent des personnalités publiques qui appartiennent à différents champs de la société : artiste, philosophe, sociologue, historien, musicien etc.

Leurs têtes flottent dans le vide comme des masques funéraires en plâtre posés sur un mur. Leurs rétines sont blanches, réserve du blanc du papier qui les abrite : en regard du titre de l’installation, ils sont littéralement ceux qui voient dans les ténèbres.

Invocation d’une série de positions sociétales, cette installation invite à s’intéresser à l’oeuvre de chacune de ces personnes, en regardd’un désir d’émancipation de la condition humaine.

Je considère cette installation comme du fan art, mon Panthéon, my own Wall of Fame.

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Avec Glenn Gould, Beyoncé, Samuel Beckett, Sally Mann, Arthur Schopenhauer, Kate Tempest, Hans Belting, Aby Warburg, Rebecca Solnitt, Andreï Tarkovski, Iggy Pop, Marguerite Duras, Bernard Stiegler, Roald Amundsen, Barbara Hannigan, Jean Genet, Beth Gibbons, Harold Pinter, Susan Sontag, Peter Sloterdijk, Polly Jean Harvey, Otto Dix , Virginie Despentes, Pawel Tchelitchew, Elvis Presley.

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La cascade d’Héraclite

2019

620 x 200 cm

Huile sur toile

Un tableau étroit de six mètres de haut est posé de biais contre la structure métallique de la salle; malgré sa monumentalité, il semble instable et dans l’attente d’être relevé. Représentant une cascade d’eau au sein de laquelle est incrustée une série de têtes humaines, nous pouvons y reconnaître des personnages emblématiques: de haut en bas et de gauche à droite sont disposées les têtes de Friedrich Nietzsche , Noam Chomsky, Bernard Stiegler, John Berger, Samuel Beckett, Gilles Deleuze, Susan Sontag, Clément Rosset, Sony Labou Tansi, Ludwig Wittgenstein, Virginia Woolf, Hervé Guibert, Rebecca Solnitt et Rainer Maria Rilke.

Cette peinture est conçue en relation aux étranges têtes sculptées du Mont Rushmore, un monument qui exemplifie la volonté de l’être humain à façonner la nature à son image. En invoquant de manière trans-historique une série de personnages emblématiques qui jouent un rôle de repères sur des questions sociétales qui secouent la société citoyenne actuelle, ils deviennent autant de points de repères dans un monde en plein bouleversement, une invitation pour les spectateurs à les étudier, les questionner et à s’en inspirer.

Ce tableau est une sorte d’arbre généalogique non-exhaustif de l’idée de la prise de position sociétale. Les personnes représentées le seront pour invoquer un positionnement, un repère, une attitude face au présent. Loin de vouloir faire une installation de propagande idéologique, il s’agit de créer des images à réflexions, tant par la proposition plastique qui est donnée à voir que par les éléments qui la constituent : les icônes invoquées sont donc des résolutions imagées de concepts interrogés par ces individus tels que l’Anthropocène, le rapport entre réalité et fantasmagorie, la perception de la réalité sensible, l’empathie, le rapport à soi, etc.

La cascade d'Héraclite - 2019 - 620 x 200 cm - oil on canvas

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La Poussière des Météores

2019

Peinture murale à l’acrylique

430 x 1120 cm

Effectuée à l’aérographe à même le mur, la peinture murale représente un âtre incandescent.

Le traitement dans des tons différents que celui du feu donne à la fresque un aspect à l’opposé de sa source et évoque un ensemble de météorites ou encore une grotte.

Cette peinture est conçue comme une expérience sensorielle: la luminosité de l’installation est volontairement basse et crée un caractère intimiste qui contraste avec la dimension monumentale de l’oeuvre. La perception de la peinture évolue à mesure que l’on s’approche du support : il en résulte un effet de surprise lorsqu’on découvre la réalité de la surface picturale.

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Janus

2019

Peinture murale à la gouache

Mur de 350 x 1400 cm

La fresque est composée selon le principe de l’anamorphose. Une anamorphose est “une déformation réversible d’une image à l’aide d’un système optique — par exemple un miroir courbe — ou une transformation mathématique. (…) Le mot dérive du grec αναμορφωειv, anamorphoein, « transformer ».” Wikipédia.

Les images peintes à même le mur ne se révélent que selon deux points de vue, aux extrémités du support. L’enjeu de cette peinture murale est la représentation d’un Janus contemporain, le dieu bifrons ‘(à deux têtes) romain des commencements et des fins, des choix et des portes. J’emprunte l’image de deux personnalités publiques actuelles portant une série de valeurs sociétales fortes très contrastées. De même, ce tableau est l’occasion d’une rencontre de différentes essences d’incarnation: celle de la réalité (la politique contemporaine) et celle de la fiction (incarnation de figures mythologiques ou fictionnelles).

Theresa May et Tilda Swinton deviennent pour l’occasion la réunion de figures symboliques antinomiques

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Celebelgian - Plastic eyes on found document - 2019 -

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CeleBelgians

2019

Intervention sur document

47 x 37 cm chaque encadrement

Images trouvées dans un ouvrage intitulé “La Belgique d’aujourd’hui” du début du XXème siècle et qui fait l’éloge des Belges qui ont construit cette nation industrielle et coloniale, ces portraits photographiques d’une grande qualité d’impression représentent des individus au sommet de la pyramide sociétale.

Au regard d’une déconstruction nécessaire des valeurs et faits historiques de cette époque, l’irrévérence humoristique des interventions questionne l’idée de postérité

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The Field - 790 x 300 cm - 2019 - Huile sur toile et dispositif d'accrochage en acier - vue de derrière

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The Field

2019

Tryptique 300 x 390 cm et 2 fois 300 x 200cm

Huile sur toile - Dispositif de monstration en acier.

L’oeuvre présentée est une peinture à l’huile sur toile monumentale disposée en triptyque, comportant un tableau central de trois mètres sur quatre, flanqué de chaque côté d’un tableau de trois mètres sur deux, formant un ensemble de 800 x 300 cm.

Les tableaux sont disposés en référence à un retable ancien légèrement ouvert. Les trois tableaux déploient la même scène, qui se poursuit logiquement de tableau en tableau. La taille de l’oeuvre affirme la peinture comme un spectacle, quitte à friser le kitsch. Son système de présentation, qui est la première chose apparente pour le spectateur lorsqu’il entre dans la pièce où l’oeuvre est présentée, exemplifie ce rapport au spectacle : le tableau est soutenu par une structure métallique qui rappelle celles des décors de cinéma ou de théâtre.

Le système est conçu pour être invisible au spectateur positionné à une certaine distance, ce qui donne au regard la sensation que la toile flotte à cinq centimètres du sol.

Dans le tableau central est représenté en son centre exact un personnage en pied à taille légèrement plus grande que l’original, dans un jeu de référence à des portraits d’aristocrates du XIXème siècle. Dans la même logique, le paysage qui l’entoure fait référence aux paysages hollandais peints au XVIIème siècle par Jacob van Ruysdael, qui donnait une place centrale et envahissante aux nuées ainsi qu’à des couchers de soleils spectaculaires façon propagande hollywoodienne.

La personne représentée est une personnalité médiatique actuelle, notamment connue pour une présence active sur les réseaux sociaux. Par son caractère expressif qui diffère de la photographie, cette personnalité peut être reconnue immédiatement si le spectateur partage la même sphère médiatique. Dans le cas contraire, il prend une stature plus anonyme.

A mesure que le regard sur le personnage se dirige vers le bas de la toile, le corps se dissout littéralement: le visage, la veste, la chemise, la peau, la cage thoracique, les viscères, les muscles, les tendons, les os sont tour à tour représentés puis soustraits au regard jusqu’à la disparition complète. Le tableau est une représentation contemporaine d’un motif récurrent en photographie spirite ainsi qu’en littérature et au cinéma, celui du fantôme. Le fantôme est en soi une allégorie utilisée par une série de peintres pour parler du phénomène du visible : citons notamment Bruno Perramant

La peinture est traitée de manière ambigüe: l’image est peinte de façon très figurative (voire même illustrative), dans une manière qui rappelle celle du réalisme socialiste russe, dont on pourrait relever l’aspect idéologique héroïque. Les fragments anatomiques sont représentés au plus juste en évitant cependant l’écueil d’une leçon d’anatomie.

L’image représentée a été composée à partir de divers emprunts à une multitude de sources iconographiques : le visage est un mélange de plusieurs photographies de presse, la chair du corps et la main appartiennent à l’artiste même, le paysage fut capturé par l’artiste muni d’un smartphone dans le Brabant Wallon et les différents morceaux d’anatomie sont issus d’un traité médical imagé célèbre du XVIIIème siècle, édité par une maison d’édition des plus connues . Précisons encore que la position est celle du stéréotype du genre du mannequin d’anatomie depuis Erasme.

Le choix de la référence à l’actualité est fait pour que l’oeuvre puisse s’adresser au présent, et donc par extension que toute personne qui la regarde puisse se sentir concernée, en gommant la discrimination sociale et culturelle.

L’image peinte est conçue pour être appréhendée avec ambiguïté. Touchant à la fois les modalités de l’allégorie, de la vanité, du genre du paysage, du traité scientifique ou de la peinture morale, elle espère fluctuer entre les genres et pousser au débat et à la réflexion.

Ce tableau se veut une réflexion sur l’impermanence de la vie, tel un Memento Mori.

Il représente un homme qui disparaît et nous rappelle le destin de toute forme vivante : la loi de l’entropie est dure, mais c’est la loi.

The Field - 790 x 300 cm - 2019 - Huile sur toile et dispositif d'accrochage en acier - vue de front